mardi 4 mars 2008

Raoul Hilberg ne croyait pas au récit de Misha Defonseca

Révélations en trompe-l'oeil

Huit ans après l'article de Henryk M. Broder dans Der Spiegel et sept ans après celui de David Mehegan dans The Boston Globe, Le Soir révèle l’imposture de Misha Defonseca.

Le 29 février, le quotidien belge Le Soir annonçait que, ayant mis Misha Defonseca face à ses contradictions, celle-ci avait fini par reconnaître que son récit autobiographique "Survivre avec les loups" était une fiction.

Misha Defonseca, alias Monique De Wael, n’est pas juive, mais catholique; elle n’a pas été sauvée par des loups; elle n’a pas à sept ans quitté la Belgique au milieu la guerre à la recherche des ses parents déportés; elle n’a pas parcouru des milliers de kilomètres pendant quatre ans à travers l’Europe, en passant par l’Allemagne, l’Ukraine et les Balkans au nez et à la barbe des nazis et de leurs alliés; elle n’a pas tué un soldat allemand; elle n’est ni entrée ni sortie du ghetto de Varsovie.

La rédactrice en chef du quotidien se félicite: "Un historien belge et un éleveur de loups ont émis des doutes, un journaliste du Soir a retracé le passé belge de la petite fille de Schaerbeek, avec pour résultat de faire éclater une imposture. C’est la moindre des choses qu’ils devaient à la vérité."

Or déjà en 2001 le journaliste David Mehegan du Boston Globe avait émis des réserves quant à la véracité du récit de Misha Defonseca. Mais ce n’est que sept ans après que Le Soir "découvre" enfin la "vérité" sur cette dame belge. Rappelons que le livre s’est mal vendu aux Etats-Unis, mais a été un tel best-seller en Europe qu’on en a tiré un opéra et un film à succès.

Au cours de son enquête, David Mehegan avait interrogé deux historiens éminents Raul Hilberg et Lawrence L. Langer. Voici ce qu’il écrivait en 2001 ("Incredible Journey"):

"Mais la question de la nature inquiétante du sous-texte du récit n’a été que rarement soulevée: peut-on croire à l’histoire de Defonseca?
Deux experts reputés de l’Holocauste ont declaré au Globe qu’ils ne croient pas à son histoire. Ils estiment qu’il est impossible qu’un enfant ait été partout là où elle prétend avoir été, et ait vécu tout ce qu’elle raconte."
(...)
"Elle [l’éditrice] brossa les contours de l’histoire et je lui ai dit "Abandonnez tout ça"", se souvient-il. "Elle demanda "Pourquoi?". J’ai répondu "parce que ce n’est pas vrai". J’ai ajouté "Demandez-lui comment elle a fait pour traverser le Rhin, au beau milieu de la guerre, et que les S.S. montaient la garde aux extrémités des ponts. Cherchez l’Elbe sur une carte et demandez comment une petite fille pouvait réussir à traverser ce fleuve. Elle ne parle pas l’allemand, elle est juive, elle est vêtue pauvrement. Et personne ne lui pose la question "Qui es-tu, ma petite fille?" Je lui ai dit que l’idée était mauvaise et de ne pas la poursuivre car cela se terminerait d’une manière embarrassante."
(…)
Langer dit qu’il a aussi discuté de l’histoire avec l’historien Raul Hilberg qui est l’auteur de "La destruction des Juifs d’Europe", et vit dans le Vermont, et que Hilberg pensait également que c’était impossible. Contacté par téléphone au sujet de l'histoire lors de la rédaction de cet article, Hilberg a réitéré son incrédulité."
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"But what has gone almost unobserved is the disquieting subtext of the tale: Can Defonseca's story be believed?
Two renowned Holocaust scholars told the Globe they do not believe her story. They say it's impossible for one child to have been everywhere she says she was, to have witnessed all she did."
(...)
''She sketched the story and I said, 'Don't do it,''' he recalls. ''She said, 'Why not?' I said, 'because it isn't true.' I said, 'Ask her how she crossed the Rhine, in the middle of the war, when the S.S. is guarding the bridges at both ends. Find the Elbe on a map and ask how a little girl goes across that river. She speaks no German, she's Jewish, poorly dressed, and no one says, 'Who are you, little girl?' I said it's a bad idea, don't do it, it will prove an embarrassment."
(…)
Langer says he also discussed the story with Vermont-based historian Raul Hilberg, author of ''The Destruction of the European Jews,'' and Hilberg also thought it impossible. Consulted by phone for this story, Hilberg reiterated his disbelief."

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