lundi 19 mai 2008

«Là où l’on brûle les livres…», par Pol Mathil

Chronique de Paul Mathil parue dans Le Soir du 19 mai

«De quelles œuvres ont peur les mouvements d’extrême gauche et pro-palestiniens, qui ont lancé l’idée de boycotter les Salons du livre à Paris et à Turin, pour protester contre l’invitation faite à Israël d’en être le hôte d’honneur ? Certes, en accueillant des centaines de milliers de visiteurs, les deux Salons ont pu se défendre des personnages, amenés par l’inévitable Tariq Ramadan, qui voulaient saboter un événement où l’on ne célébrait pas tant les 60 ans d’existence d’Israël que, surtout, comme l’a dit le grand rabbin de Turin, les 4.000 ans de présence sur terre du «peuple du Livre». (…)

Si critiquable que soit sa politique, l’idée d’un boycottage à l’égard d’Israël, un Etat démocratique, et surtout à l’égard des œuvres de l’esprit de ses citoyens, est non seulement imbécile mais inepte (ou … perfide) (…).

Marek Halter a observé qu’on n’a jamais boycotté les livres de Philippe Roth ou Norman Mailer à cause de la guerre du Vietnam, ni les livres de Sartre ou Camus à cause de la guerre en Algérie. C’est pourquoi l’idée d’un boycottage «juif» me semble particulièrement suspecte. Elle est raciste. L’association du terme «boycott» avec le mot «livres» et celui de «juif» est pour moi d’un goût dangereux. Boycotter des écrivains juifs exhale non pas tant la solidarité avec le drame des Palestiniens, qu’une très forte odeur d’autodafé nazi. J’ai des souvenirs que je ne peux pas oublier, ceux de l’époque où, après les avoir boycottés, on brûlait des livres et puis des juifs. «, a dit Heinrich Heine, bien avant l’époque des crématoires, où on brûle des livres, on finit aussi par brûler des hommes.» Pas seulement juifs.»

© Le Soir

Aucun commentaire :