jeudi 4 avril 2013

L'Allemagne, l'humour, le rapport omniprésent à Hitler

Fabian Wolf de  HEEB a interviewé Daniel Erk [photo], qui est un spécialiste d'Hitler (un vrai car en Allemagne tout le monde est spécialiste d'Hitler) sur la comédie de Timur Vermes sur Hitler qui connaît un grand succès en Allemagne (et qui sera bientôt traduite en français...: Hitler, star des librairies allemandes). En tant que journaliste, Daniel Erk a beaucoup écrit sur l'utilisation des nazis et de l'Holocauste dans la culture pop avant d'écrire son premier livre sur l'omniprésence d'Hitler en Allemagne et la banalisation du mal, ou: pourquoi nous ne parvenons pas à nous débarrasser du bonhomme avec la petite moustache" (So viel Hitler war selten: Die Banalisierung des Bösen oder Warum der Mann mit dem kleinen Bart nicht totzukriegen ist).  Extraits:

How many times have you been asked whether it’s okay to make jokes about Hitler?
Virtually every time I get interviewed. When the media is preparing a program about everything from the historical anniversary of the so-called Machtergreifung to on-going Nazi problems in Germany to this book now, He’s here again, I get asked to give a statement, preferably in three sentences and under one minute. [...]
Maybe it’s my generation but I do feel there has been a rise in Nazi jokes in the last ten years.
I think it’s bigger and not as political. In the seventies they were highly political and aimed at the conservative elite who claimed that nobody knew anything. There was this strict idea behind it about what was good and what was bad. The more nonsensical stuff of the nineties opened the door for what we have to do, without any clear moral impetus. It’s like a go-to joke, like jokes about men and women. The book “He’s Here Again” is like that: Easily accessible, not elaborate, more like a cheap joke.
vermesOkay, so the book. From what I understand it’s basically Rip Van Adolf: Hitler wakes up in 2011, without any explanation. He hasn’t aged and now walks around modern Germany.
He basically acts like someone from the Middle Ages. The humor of the book stems from the fact that Hitler is someone from a completely different time. Which is interesting because there are both perpetrators and victims that are still alive. It’s not long gone. But that’s the point the book makes: Here’s this guy that’s completely unrelated to the modern world and Germany. But I think that basic assumption is plainly wrong.  [...]
…like in that crazy-ass movie “Hitler – A Film from Germany” that Susan Sontag loved so much. Sorry, that connection just blew my mind. Anyway: So what sort of Hitler comedy would you like to see?
There are two versions – it’s either about pain and uncomfortable situations. Or you could make exactly the opposite, something that has no morals, no idea, except to make people laugh and make them feel comfortable about themselves.
So that book ultimately just wants to confirm people and their closed-off idea of history?
I think it probably started as a mediocre joke that suddenly got successful. It makes people comfortable. There’s a huge interest in history and Hitler and at the same time this reluctance to face the truth. People are obsessed with the question but don’t like the answers. So you end up with stupid answers. The book says it’s completely over, it’s far away. It has nothing to do with us. It’s over.

1 commentaire :

Gilles-Michel De Hann a dit…

Conseil à ceux qui seraient saisis d’un irrépressible besoin de lire Mein Kampf, sinistre best-seller d’Adolf Hitler : avant de se plonger dans Mon Combat - accessoirement pensum illisible, en vente libre, sur Amazon notamment - dévorer Mein Kampf, histoire d’un livre, réédité et augmenté en poche après une première sortie chez Flammarion en 2009.

Antoine Vitkine, auteur de cet ouvrage passionnant, a fait là un travail exemplaire en décrivant par le menu quand et dans quelles conditions Hitler écrivit Mein Kampf, comment le manuscrit prit la forme d’un livre, puis d’un programme politique tellement monstrueux qu’il effara très vite les grands du monde d’alors - Churchill en premier - avant de devenir en Allemagne le livre le plus vendu, à défaut d’être le plus lu. Offert par tous les maires allemands en cadeau de mariage, Mein Kampf trônait outre-Rhin dans le salon de presque tous les foyers.

Alors qu’on croit tout savoir du nazisme et de la façon dont Hitler prit le pouvoir, l’histoire de «son» livre apporte une autre lecture de l’Histoire. Dans le chapitre «Comment Mein Kampf fit le Führer», Vitkine ausculte de façon magistrale comment le livre a donné à son auteur une puissance démoniaque, orchestrée par lui-même. «L’ouvrage est, en plus du symbole d’adhésion au nazisme, un texte politique : bien que de nombreux militants n’aient sans doute pas entièrement lu Mein Kampf, quiconque veut faire carrière au sein du Parti se doit de lire la pensée du maître et être capable de le citer à bon escient.»

Vitkine conclut son enquête sur le destin contemporain du manifeste hitlérien : le chapitre «Mein Kampf, un livre d’avenir» montre en particulier comment en Inde et surtout en Turquie il est aujourd’hui encore un best-seller.

(Et dans les pays arabo-musulmans).

Pour des tas de très mauvaises raisons.

Tout ceci, de mon point de vue, rend dérisoire la polémique autour de la libéralisation des droits d'auteur, détenus par le Land de Bavière fin 2015. Je n'irai pas jusqu'à y voir pour autant un possible instrument pédagogique comme Dieter Graumann, Président du CCJ s'y est résigné.

Il sera annoté et commenté par des historiens afin de le “démystifier et [le] remettre dans son contexte”, a expliqué, Markus Söder, ministre bavarois des Finances, en 2012.

Klaus Wenzel, président du syndicat des enseignants y voit une dérive possible vers une fascination malsaine sur les étudiants bavarois...

Voir plus récemment :

http://www.dw.de/der-schwierige-umgang-mit-hitlers-mein-kampf/a-16718197